Des questions passionnantes, des pistes de travail prometteuses et de larges possibilités encore inexplorées pour accroître la performance de nos organisations... Hier s'est déroulé au siège de l'Unesco, à Paris, un évènement peu relayé par les médias, et pourtant digne d'une grande attention : le 10ème anniversaire de la Charte de la Diversité.
En ces temps de crise et de morosité, qui incitent si facilement au repli sur soi, un évènement comme celui-là est remarquable, tant par l'ampleur de son impact positif que par les pistes de travail prometteuses qu'il met en lumière. Seulement voilà : il n'a été question, autour de la table et dans la salle, ni de recette miracle, ni de réussite fulgurante. Juste de volonté commune, d'inspiration humaniste et de travail de longue haleine, toutes choses qui intéressent finalement peu les médias. Pour ceux qui, malgré tout, s'y penchent, le bilan de ces dix années est passionnant.
1er constat : la charte a inspiré des initiatives semblables dans toute l'Europe.
Pas moins de 24 pays étaient représentés hier, et la journée a été consacrée aux échanges sur la manière de poursuivre et amplifier la promotion de la diversité dans les entreprises privées comme publiques. La lutte contre les discriminations est en effet une préoccupation majeure en France, mais aussi dans toute l'Europe. Elle a été élevée au rang de priorité absolue par notre Ministère de la Ville comme par celui du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle, car il y va de la cohésion sociale dans notre pays comme ailleurs.
2ème constat : l'extention du domaine de la lutte.
Des discriminations liées aux origines sociales, celle-ci s'est progressivement étendue à celles liées aux origines raciales et ethnique, au sexe, à l'âge, au handicap. Son arsenal juridique s'est considérablement enrichi en France, où pas moins de 20 critères sont aujourd'hui prohibés par la loi. Même si beaucoup reste encore à faire, les discriminations liées à l’âge, au genre et au handicap ont fait l’objet d’une véritable prise de conscience, grâce à la mise en place de politiques évaluées et chiffrées. En ce qui concerne d'autres discriminations (origines, apparence physique, orientation sexuelle, activités syndicales, opinions politiques...), le principe d'interdiction de collecte et de traitement de données sensibles en vigueur en France rend la mesure des phénomènes plus difficile. Mais l'expérience vécue de telles situations est malheureusement largement partagée, et les chiffres de la réussite en fonction des origines sociales sont également éloquents*.
3ème constat : l'engagement en faveur de la diversité est accessible à de nombreuses formes et tailles d'organisations.
Elle n'est pas une solution miracle réservée à ceux qui en ont les moyens, mais un ensemble coordonné de pratiques, qui vont de la diversification des sources et des modes de recrutement à la communication interne et externe, en passant par la sensibilisation et la formation des managers. Créativité, benchmarking, expérimentations ont permis à de nombreuses entreprises privées et publiques, ces dernières années, de développer un nombre croissant d'outils et de démarches intéressantes, qui ont eu pour effet d'améliorer les processus RH et d'y impliquer davantage les managers.
4ème constat, réjouissant : la diversité est un vecteur de performance sociale et économique.
Les entreprises qui y travaillent sont formelles : l'amélioration des pratiques RH qui découlent d'un engagement en faveur de la diversité vont de pair avec une meilleure performance globale. Déjà de mieux en mieux partagée dans les pays anglo-saxons, cette idée commence à se faire jour dans notre pays. Mais comme ici, on est très attaché à l'objectivation et à la rationalisation, des études** ont été engagées pour valider cette "intuition", qui est aussi le constat pragmatique d'un certain nombre d'entrepreneurs : les pratiques RH en faveur de la prise en compte des besoins d'épanouissement et des compétences propres des individus, avec et au-delà de leurs différences, favorisent le collectif tout entier.
Pour conclure, la notion de diversité renferme des valeurs fortes : humanisme, respect de l'autre, ouverture, solidarité, attention aux plus fragiles sont quelques unes d'entre elles. Elle implique le dépassement des réflexes court-termistes de peur de l'autre, de fermeture à l'inconnu. Elle appelle la croissance de la conscience et de la culture de chacun, celle de nos capacité d'accueil de la différence et de la nouveauté. Choisir de la défendre et la promouvoir n'est pas la voie la plus facile, ni la plus rapide. Mais c'est une voie passionnante de progrès, d'innovation et d'ouverture de possibles, très prometteuse et encore largement inexplorée.
Marie KERROUCHE
Consultante et manager
Correspondante Diversité pour le groupe ANDRH 92 Sud
*cf Rapport de l'Institut Montaigne : "Dix ans de politiques de Diversité, quel bilan ?"
** Voir à par exemple le projet de laboratoire social et managérial Team Jolokia, sous le patronage du Président du Conseil Economique, Social et Environnemental